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1938, les vacances

Nous voici à faire un bond dans le temps… nous sommes en 1938.

Ah 1938,… petit rappel pour les nuls en Histoire.
En 1934, face à la menace des ligues d’extrême droite, la gauche s’organise pour les élections de 1936. Les 3 partis (PCF, SFIO et radicaux) forment le Front Populaire qui emporte les élections.

Léon Blum – de la SFIO (les socialistes de l’époque)- est chef du gouvernement. Mais, les ouvriers se mettent rapidement en grève.
Ce qui parait illogique… la gauche gagne et les ouvriers s’arrêtent ? En fait, c’est très logique. Ils se sentent soutenus par le gouvernement et c’est le moment d’aller obtenir des avancées face au patronat (analyse marxiste de la situation).

Après les « grèves joyeuses » (il fait très beau en mai 1936), les Français gagnent la semaine de 40 heures et leurs premières vacances (entre autres): 2 semaines… les congés payés (accords Matignon juin 1936).
Enfin, quand on dit deux semaines, c’est en fait 11 jours car les samedis et dimanches ne comptent pas.
Ce qu’on sait moins, c’est que les français ne partent pas majoritairement en 1936 mais un an plus tard, le temps qu’on s’organise un peu. En 1938, on part encore plus.

Fin du cours d’histoire… ah si, juste un détail. Le front populaire créé aussi la SNCF (convention du 31 aout 1937 avec entrée en vigueur le 1er janvier 1938) fusion des anciennes compagnies. C’est la SNCF qui transportera une partie des néo-vacanciers à la campagne, le plus souvent dans la famille. Les scènes nous montrent aussi des familles à vélo… des pique-niques champêtres sentant bon le jambon et les œufs durs… toute une époque presque insouciante des périls.


Les patrons avaient peur que les ouvriers ne reviennent pas… vous pensez.

RQ : dans les photos de ce feuilleton, j’ai glissé volontairement 1 grosse erreur ; la retrouverez-vous ? Vous y gagnerez mon estime car je n’ai rien d’autre à offrir.


Et si nous repartions en arrière…

Depuis 1936, Léon Blum avait fait faire des progrès sociaux. Nous avions le Front Pop... pain, Paix, liberté… c’était le programme. Ah la paix, enfin ! Et pour longtemps !

Suite aux conseils avisés du bon docteur Oscar Latine (dermatologue), la famille avait tout intérêt à prendre un peu l’air et quitter cette ville de Mittel qui commence à être trop polluée. La préfecture a indiqué que la millième automobile avait été immatriculée dans le département et la concentration en ville ne pouvait que déclencher des problèmes de santé.

Notre famille venait de s’agrandir et le joyeux nourrisson n’avait pas été encore présenté à la famille... enfin, à la famille élargie il s’entend comme la vieille cousine Simone… oui, celle qui pique, qui sent pas bon et qu’on n’a pas vu depuis l’enterrement de l’oncle André en 1919 mais qui se vexerait si on y allait pas ! (tranche de vie).
Et puis, on allait revoir les frères, les cousins… de bonnes vacances que l’on n’avait pas eues l’année précédente en raison de l’heureux événement.
La mère de famille – dite La Guitte ou Maguy- avait été longtemps suivi par le docteur Berthe Blanchâtre (gynécologue) et maintenant que tout était rentré dans l’ordre plus rien ne s’opposait au voyage dans les Ardennes pour voir la famille…
Milou, marié depuis trois ans, ruminait déjà car son frère Jean allait encore lui faire la même blague tous les matins : « tiens, voilà l’Emile et une nuit ! »… une fois c’est drôle mais à force...

Quitter la maison, une expédition s’il en est, heureusement que Milou travaillait aux chemins de fer comme disait la belle-mère (dite la mère Jules, du nom de son second mari : un homme bien gentil qui avait accepté la mère Jules, son caractère de chien et ses deux filles mais c’est une autre histoire…).
Les relations étaient cordiales… « A chaque fois que je vous vois, mère, j’ai l’impression d’embrasser un cactus ! »... vous comprenez bien là le sens « cordial » dans la famille.

La SNCF… quelle belle création ! Milou travaillait depuis des lustres à la compagnie de l’Est (à 28 ans, il avait déjà 14 ans de carrière)…les locos venaient d’être réimmatriculées : on n’y comprenait rien. Et puis l’entreprise un peu prise de court n’avait pas encore changé les numéros de tout le matériel.

Donc, la famille a choisi le mois de juillet pour partir... une semaine, c’est bien suffisant pour La Guitte qui déteste sa belle famille. Elle aurait préféré aller voir sa sœur mais là les rôles auraient été inversés.
Nous voici donc sur le quai de la gare ! C’est le désert complet !

- C’est quand même bizarre un jour de départs ?
- Ne t’inquiéte pas ma poule, j’ai tout préparé !
Le train bleu entre en gare !


Ce train vient du sud avec une belle Pacific PLM… non 231 K SNCF

C’est Edgar Deleste, il vient chercher les bagages du train bleu.

Ce sont les bagages du grand acteur Jean Transenne, il doit jouer ce soir. Il a tourné avec Michel Simon et Sacha Guitry. On le voit ici avec Eva Ricelle (qui jouera plus tard dans « la guerre des boutons »).


Edgar vient saluer Milou… "Bonjour Madame et Monsieur" – Milou est chef -, vous partez en famille ?
- Oui Edgar mais qu’est-ce que tu fais là ?
- Je remplace Yves Amal qui est encore malade !
- Tiens Edgar, puisque t’es là, comment ça se fait qu’il n’y a personne. On prend le 8h37.
- C’est normal M’sieur, il ne roule pas aujourd’hui !
- Il ne roule pas ???...attends, je vérifie sur l’horaire… mais c’est que t’as raison : le renvoi, j’ai pas lu le bon renvoi !!!!
- Milou, tu ne vas pas me dire que… et on fait quoi ?
- Le suivant est dans une heure, on va attendre.
- Avec le bébé ?
- Oui, on ne va pas le renvoyer tout seul à la maison!
Et puis ça commence à bouger un peu en gare...Voilà un train qui arrive …regarde, à chaque gare, les gens sont heureux… ils partent à la mer !


Tiens, regarde le journal… ils partent à la mer mais ça fait pas plaisir à tout le monde


Ils ressortent encore la caricature de Pol Ferjac parue dans le Canard enchaîné du 12 août 1936. Les congés payés, ce n’est pas encore entré dans les mœurs… et tout le monde n’a pas les moyens de partir.
Pendant ce temps, on remarque un train vers l’Alsace, il a encore les anciennes immat…


sa loco vient en tête… une 232 TC… belle bête !


- Milou, regarde, l’autorail… il va vers les Ardennes, on pourrait le prendre !


- Non, il n’arrive que 5 minutes avant l’express… donc on attend les 40 minutes qui restent pour prendre l’express qui va plus vite.
- C’est pas toi qui porte le bébé !
- Je porte déjà mes lunettes... et puis je ne sais pas tenir les bébés, j’ai peur qu’il ne tombe !
Tiens voilà une loco. C’est une 050 B... elle passe au ralenti.


Puis passage au ralenti d’un RO avec une belle 140C, pas neuve mais entièrement repeinte.


« Ga !!!» oui petit, ce sont des militaires, ils nous défendent contre les méchants. Il y a Emile Itaire et le Général Itté. Ils sont tranquilles, on est bien à l’abri derrière la ligne Maginot ! Il ne peut rien nous arriver !


Voilà enfin l’express…on va pouvoir s’installer.


- Dis voir Milou, c’est pas Edmond Ladessu qui est dans le fourgon avec les valises ?


- Si, on dirait bien, pour une fois qu’il bosse…faut dire qu’il n’est pas nerveux. En général, les seules valises qu’il trimballe, elles sont sous ses yeux !


Ca y est, on est enfin parti… retrouvailles, cochonnailles, victuailles… et la cousine qui pique !

- Milou, mais où est-il passé ?…
- oh, il doit être au fond du jardin
- Qu’est ce que tu fais ?
- Je regarde passer les trains ! Tiens ça roule encore ça ?


- Mais, on est en vacances, c’est ton métier de regarder passer les trains !
- Oui mais ceux là, je ne les vois pas tous les jours !


Et tous les jours, c’est pareil…
- Milou !! à table !!
- J’arrive, mais il y a une Micheline qui passe !!


Et c’est déjà le jour du retour…
- On prend l’express pour le retour ?
- Non, là c’est l’autorail


- Je ne te comprends pas… on prend l’express pour partir et l’omnibus pour rentrer.
- C’est pourtant simple, je suis pressé de partir mais pas de rentrer !!!
Et on rentre donc doucement, la micheline de l’autre jour est là aussi.


Il y a même un drôle de train… modèle coffre-fort. On ne saura jamais ce qu’il y a dedans.


Au loin, le train bleu passe son chemin comme toutes les semaines.


Arrivée à la gare, la famille est interpellée par un vieux copain, Marcel Detable qui comme à son habitude et avec sa finesse légendaire (« fin comme le gros Marcel » dit-on) veut se faire inviter.


- Milou, qu’est-ce qu’on mange ce soir ?
- Des courants d’air, ton train va partir !!
- Au fait Milou, on a rien à manger pour ce soir. En rentrant il faudra passer chez l’épicier.


C’est un épicier algérien, Ali Mentair… c’est un ancien de 14-18 qui n’est jamais rentré dans le département de Constantine. Un gars bien, décoré de la croix de guerre. Il a fait Verdun. Il a ouvert son commerce et ça marche bien. Pour la petite histoire, son épicerie appartient aujourd’hui à Hassan Ciyef.

Ainsi s’achève ces vacances de 1938 pour la famille.

J’espère que cette évocation vous a plu (une histoire presque vraie… enfin, avec des bouts de vérité). Avez-vous trouvez la grosse erreur volontaire?