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Par ici le Monet

Monet, grand maitre des impressionnistes, décide en 1877 de faire une série de toiles représentant la gare parisienne de St Lazare, une des gares les plus actives de la capitale. Cette gare sera également le décor de plusieurs scènes de la « bête humaine » de Zola en 1890. On dit que Zola fut si admiratif des toiles que cela le poussa à mettre en scène ses personnages dans les emprises de st Lazare et de la compagnie de l’Ouest.

Après avoir essuyé des critiques sur ces toiles comme « Impression, soleil levant » en 1874, Monet décide de quitter les paysages ruraux pour des symboles plus urbains et industriels. Le chemin de fer et les abords de st Lazare sont prisés des peintres par la configuration encaissée de la gare dominée par le pont de l’Europe. Structure métallique en X réalisée par Eugène Flachat qui dessert 6 rues de part et d’autre de la gare.

Les gares sont une synthèse de la fascination des artistes pour le progrès industriel que l’on pense vecteur de progrès pour l’humanité.

Monet choisit de représenter la gare enfumée. Il demande au directeur de la compagnie de l’ouest l’autorisation de peindre dans les emprises. Le directeur lui accorde les meilleures conditions et on dit même qu’il immobilisait d’autorité (il était assez colérique) les trains au départ le temps de terminer ses toiles….

Monet réalise donc 12 tableaux de la gare dans des conditions atmosphériques variées et avec des points de vue différents. Les effets de lumière et de la vapeur fournissent un environnement changeant pour ce peintre fasciné par les effets de la lumière

Dans l’ensemble La Gare Saint-Lazare seulement deux des toiles ont été peintes au même emplacement et rien ne prouve que Monet voulait mettre en évidence les effets lumineux variables en fonction de l'heure de la journée.

On ne peut pas alors associer ces toiles dans ce qu’il convient d’appeler les séries « impressions » qui exposent le même sujet à des lumières différentes de la journée ou de la saison comme « les meules » (1890-91, 25 tableaux) ou « la cathédrale de Rouen » (1894 ; 30 tableaux)

On peut diviser en deux groupes : sous (4 tableaux) et hors (8 tableaux) de la marquise de la gare sans pouvoir totalement repérer l’ordre chronologique sauf à se fier aux lumières

Dans tous les tableaux, les hommes sont quasi absents ou justes esquissés.

1- Série des intérieurs

 

 

 

Ce premier tableau, dit « la gare St Lazare », (105x75) est sans doute le plus connu. Le peintre est sous la marquise en position centrale. Les formes ne sont pas montrées mais suggérées par des touches de peinture; il n’y a aucune ligne tracée dans les formes du tableau ; toutefois, il est très structuré : l’espace s’inscrit dans un losange formé d’une part par les bords de la marquise mais aussi l’étrave de la loco.

La lumière est douce, l’atmosphère (lumière et fumées) est dans des teintes bleutées.

Une part importante est représentée par la marquise sommitale qui enferme l’espace mais aussi les fumées ce qui renforce l’effet de profondeur.

A la structure métallique de la marquise répondent les rails. Les trains sont représentés par un fourgon à bagages à gauche et une locomotive en arrivée au centre du tableau, juste en dessous des diagonales.

Les hommes sont rares et esquissés sur la droite.

A l’arrière plan, on devine le « pont de l’Europe » et les immeubles haussmanniens.

 

« arrivée d'un train » (101x89)

Ce tableau est presque similaire. Il diffère par les couleurs plus froides toujours dans les nuances de bleu. Les volutes de fumée forment un nuage cachant en partie la marquise mais s’échappent vers le fond, elles renforcent la profondeur. Monet joue avec les effets de vapeur très marqués par les températures froides.

L‘espace s’inscrit encore dans un losange mais la loco est plus proche et plus détaillée (le rouge du bandeau de visibilité de la traverse de tamponnement attire l’œil).

Le cheminot et sa sacoche est au premier plan.

A l’arrière, on distingue bien les immeubles haussmannien mais le pont n’est qu’esquissé

 

 

 

« l'arrivée du train de Normandie » (80x60)

Encore une arrivée de train, cette fois, le peintre est décalé sur la droite de la gare en face des voies d’arrivée. La marquise est moins enfumée, un réverbère au centre du tableau attire l’œil. Les couleurs sont froides, tirant sur des bleus et des verts.

La foule des voyageurs apparait en fond de tableau (surtout sur la droite), elle est massive et indistincte.

 

« la gare St Lazare » (72x50)

Toujours les arrivées, deux locos font face : l’une est détaillée (fanal), le peintre s’est décalé devant le réverbère (un second est visible) presque au centre du tableau et le peintre s’est avancé. On distingue les bâtiments de droite mais le paysage urbain est caché par les fumées.

La foule se trouve entre les deux trains, celui de droite est arrivé (portières ouvertes), celui de gauche arrive. Les fumées des deux locos partent sur la gauche et se mélangent du blanc au bleuté/ gris dans des tons toujours froids

 

2-Série des extérieurs

 

« Les Voies à la sortie » (72x60)

Vue de l’extérieur, sortie de gare en regardant vers les bâtiments. Les marquises sont en arrière plan, un des pans de toiture est quasi la diagonale du tableau. Un signal rouge se positionne juste au dessus de cette diagonale.

Les nuages et les fumées se mélangent pour deux trains sur la droite, l’un à l’arrêt (fumée blanche basse soufflée par le vent) et un autre train au départ : fumées ocres s’élevant plus vers le ciel par les pulsions de la vapeur

Dans le quart gauche,  les voies sont brillantes. Un employé tient un drapeau rouge en sortant de sa guérite. Derrière lui un train stationne.

Le bas du tableau comporte plusieurs nuances de jaunes/ ocres qui donnent une impression chaude qui contraste avec le haut du tableau qui reste dans des teintes froides

 

« Extérieur, effet de soleil » (81x60)

Vue extérieure de la gare qui n’est en fait que suggérée. Le tableau est baigné de soleil avec des nuances de jaunes et de bleu.

L’espace est encaissé et dominé par les immeubles haussmanniens qui apportent aussi une impression de verticalité renforcée par les deux poteaux de droite.

Le domaine ferroviaire n’est qu’esquissé avec d’une part la guérite au centre du tableau mais aussi le signal (carré rouge) et enfin le tunnel dans le fond et les fumées à droite et à gauche qui s’ouvrent pour voir la partie centrale.

 

« Le Pont de l'Europe » (81x64)

Sortie de gare où le peintre est positionné sur la droite des bâtiments.

L’espace est limité dans le fond par les immeubles haussmanniens mais aussi sur la droite par les structures (métal et pierre) du Pont de l’Europe

Locomotive et cheminot sont placés sur le quart en bas à gauche du tableau. Un signal rouge attire l’œil. Il est dans le quart gauche en bas à la même hauteur que la cheminée de la loco

Les fumées semblent s’élever dans un ciel couvert (pluvieux ?). Une partie des fumées est contrariée dans son élévation par le pont ; elles contournent la structure dans une volute que le spectateur n’a aucun mal à reconstitué mentalement de manière dynamique

 

« vue extérieure » (80x60)

Dans une lumière froide d’hiver, le peintre se place à la limite de la marquise en regardant vers les voies d’arrivée ; un train  vient vers lui. Les fumées se portent sur la gauche, enveloppant les formes et masquant les immeubles de fond. Le Pont de l’Europe est visible sur la droite.

Fumées et ciel d’hiver se confondent dans une ambiance où le froid de l’air répond au froid du fer.

 

« les signaux » (81x65)

Dans ce tableau, le peintre est installé sous le Pont de l’Europe en regardant vers la gare dont on devine la marquise.

La composition est structurée de manière géométrique avec deux espaces identifiés : l’avant plan avec son sol brun et l’arrière plan dans des teintes masquées bleues et ocre. La structure est complétée par la verticalité des immeubles de gauche  mais surtout de signaux

Ces deux signaux sombres, car vus de dos, attirent l’œil ; surtout celui qui est en plein centre de la composition. Ce centre noir gêne le spectateur dont le regard a tendance à éviter cette zone pour balayer le tableau.

Le reste du monde du chemin de fer n’est que peu visible excepté la silhouette d’une locomotive en partance.

 

« Extérieur de la gare Saint-Lazare, arrivée d'un train » (72x60)

Dans une lumière froide (jour de pluie ?), un train arrive en gare face au peintre.

L’aspect ferroviaire est très peu visible : deux guérites, un peu les voies mais surtout la silhouette de la loco avec ses deux lanternes qui nous font face.

Le reste du tableau est dominé par les immeubles au loin avec des faces pales qui renforcent l’impression d’encaissement de la scène. Les nuées font la frontière entre ces deux mondes. Le vivant en bas (vapeur, souffle et chaleur de la loco) et l’inerte, pierre des immeubles.

 

 

« vue extérieure » (81x64)

Encore des tons froids pour ce tableau où le peintre se place sous le Pont de l’Europe. On est plus plongé dans le monde ferroviaire avec les locos, les guérites et le pont qui clos l’espace. Les limites de cet espace donnent une impression de fenêtre sur le monde

L’arrière plan est traité en gris- blanc dans des lumières froides

 

« La Tranchée des Batignolles »  (46x38)

Cette fois, le peintre se place en surplomb (sur le Pont de l’Europe) pour figurer les voies de la sortie de la gare st Lazare vers la tranchée des Batignolles. Le faisceau de voies est plus dense et se resserre, ce qu’il montre en bas de la composition.

Les bâtiments de chaque coté de la voie ont contribué à accentuer la « tranchées ».

Ici les trains sont plus serrés : un train au départ, l’autre à l’arrivée et une locomotive (train ?) sur la gauche

La composition globale s’inscrit dans un triangle rectangle où l’espace construit se situe sur la droite, à l’opposé, le ciel.

Un poteau télégraphique et les fils sur la gauche limitent l’espace qui se poursuit légèrement

Le 10 mars 1878, Monet vend une toile à Gustave Caillebotte qui avait peint le « Pont de l’Europe » en 1876. Même thème pour caillebotte avec une proximité de lieu...

Le tableau rectangulaire figure une scène sur le côté gauche de la gare st Lazare. On peut trouver précisement l'endroit où caillebotte s'est installé (point rouge)

 

La lumière vive vient de la droite, elle passe entre la structure du pont en projetant des ombres. L'œuvre est coupée en deux : à gauche, le trottoir clair et les immeubles haussmanniens contrastent donnent un décor pour les promeneurs, dans la partie droite l'ouvrier se détache sur la structure du pont. Pont et immeubles s’organisent en lignes géométriques qui amènent le spectateur à admettre le génie humain qui engendrera le progrès social

Caillebotte utilise deux points de fuite, le premier concentre les lignes principales du pont, des bâtiments, du trottoir, l'ombre du chien et converge vers un point de fuite se situant sur la tête de l'homme au chapeau haut de forme (peut-être Caillebotte lui-même). Il n’est pas centré et se trouve dans le tiers gauche du tableau. Il ne se situe pas à mi-hauteur sur la ligne d’horizon et les distances sont faussées.

le regard du spectateur est attiré vers le fond du tableau, le chien et son pas rapide au premier plan semble accélérer le mouvement vers l’homme marchant en sens contraire. Il est présent pour inciter le spectateur à revenir sur lui, il comble un vide et favorise le balayage du regard sur l’œuvre.

Un second point de fuite est au niveau de la tête de l’ouvrier accentue encore un effet d’irréalité entre les deux perspectives impossibles à voir pour un œil.

deux classes sociales visibles sont marquées par trois caractéristiques : la position dans le tableau, l’allure et le costume

À partir du point de fuite principal, on distingue une composition en X des structures du pont. La structure en treillis des poutres de fer laisse apparaître des espaces vides dans lesquels on aperçoit des détails ferroviaires (cheminots, portion de voie ferrée…).

Le pont prend ici une place énorme par rapport au vide du premier plan. Il incarne le pouvoir de l’industrie et la transformation de Paris.

Le pont sert aussi au peintre à marquer les différences sociales. La ligne gauche est réservée aux bourgeois. (’homme au haut de forme). le parapet du pont est occupé par des ouvriers (accoudé au parapet ou marchant de dos). Deux catégories sociales peuvent se croiser au même endroit. Mais il s’agit d’une simple coexistence. Les ouvriers regardent vers le monde du travail.

Les bourgeois se tiennent loin du bord du pont. L’homme au chapeau haut de forme est typique de cette époque. Il est un flâneur qui observe et critique le monde

Reste la jeune femme à l’ombrelle. Le flâneur, devant elle, la regarde et elle lui rend son regard. Il y a deux possibilités. Soit elle l’accompagne soit elle marche seule, ce qui est contraire aux mœurs du xixe siècle où une jeune fille doit toujours accompagnée. Si elle est seule, on peut se demander si c’est une « cocotte » qui se fait entretenir par des hommes fortunés. Le quartier   était connu pour la prostitution, ou encore il s'agit d'une jeune femme des milieux de la classe moyenne émergents plus libre. Cette jeune femme fait l’intermédiaire entre les deux classes sociales bourgeoise et ouvrière

Le tableau rectangulaire figure une scène sur le côté gauche de la gare st Lazare

La lumière vive vient de la droite, elle passe entre la structure du pont en projetant des ombres. L'œuvre est coupée en deux : à gauche, le trottoir clair et les immeubles haussmanniens contrastent donnent un décor pour les promeneurs, dans la partie droite l'ouvrier se détache sur la structure du pont. Pont te immeubles s’organisent en lignes géométriques qui amènent le spectateur à admettre le génie humain qui engendrera le progrès social

Caillebotte utilise deux points de fuite, le premier concentre les lignes principales du pont, des bâtiments, du trottoir, l'ombre du chien et converge vers un point de fuite se situant sur la tête de l'homme au chapeau haut de forme (peut-être Caillebotte lui-même). Il n’est pas centré et se trouve dans le tiers gauche du tableau. Il ne se situe pas à mi-hauteur sur la ligne d’horizon et les distances sont faussées.

le regard du spectateur est attiré vers le fond du tableau, le chien et son pas rapide au premier plan semble accélérer le mouvement vers l’homme marchant en sens contraire. Il est présent pour inciter le spectateur à revenir sur lui, il comble un vide et favorise le balayage du regard sur l’œuvre.

Un second point de fuite est au niveau de la tête de l’ouvrier accentue encore un effet d’irréalité entre les deux perspectives impossibles à voir pour un œil.

deux classes sociales visibles sont marquées par trois caractéristiques : la position dans le tableau, l’allure et le costume

À partir du point de fuite principal, on distingue une composition en X des structures du pont. La structure en treillis des poutres de fer laisse apparaître des espaces vides dans lesquels on aperçoit des détails ferroviaires (cheminots, portion de voie ferrée…).

Le pont prend ici une place énorme par rapport au vide du premier plan. Il incarne le pouvoir de l’industrie et la transformation de Paris.

Le pont sert aussi au peintre à marquer les différences sociales. La ligne gauche est réservée aux bourgeois. (’homme au haut de forme). le parapet du pont est occupé par des ouvriers (accoudé au parapet ou marchant de dos). Deux catégories sociales peuvent se croiser au même endroit. Mais il s’agit d’une simple coexistence. Les ouvriers regardent vers le monde du travail.

Les bourgeois se tiennent loin du bord du pont. L’homme au chapeau haut de forme est typique de cette époque. Il est un flâneur qui observe et critique le monde

Reste la jeune femme à l’ombrelle. Le flâneur, devant elle, la regarde et elle lui rend son regard. Il y a deux possibilités. Soit elle l’accompagne soit elle marche seule, ce qui est contraire aux mœurs du xixe siècle où une jeune fille doit toujours accompagnée. Si elle est seule, on peut se demander si c’est une « cocotte » qui se fait entretenir par des hommes fortunés. Le quartier   était connu pour la prostitution, ou encore il s'agit d'une jeune femme des milieux de la classe moyenne émergents plus libre. Cette jeune femme fait l’intermédiaire entre les deux classes sociales bourgeoise et ouvrière.

 

Le tableau de Monet reste dans la collection de Caillebotte jusqu'en 1894, avant d'être accepté par l'État à titre de legs aux musées nationaux. Les autres tableaux de la série sont dispersés à travers le monde.

J'espère que cette découverte vous a plu